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Ta boulangère sur Internet

Il faut bien payer la note. L'Internet du futur, plus rapide, plus mobile, plus convivial et avec encore plus de jeunes filles toutes nues a un prix. L'Internet à haut débit c'est aussi le compte bancaire à haut débit.

WAP, UMTS et haut débit

Le WAP est le nom qu'ont donné les «marketoïdes» à ce qu'ils osent décrire comme un «accès Internet par téléphone portable». En fait d'accès à Internet, on ne parle que de quelques lignes de texte affichées sur un écran LCD grand comme une boîte d'allumettes. Le WAP ce ne sont que quelques services sélectionnés par les opérateurs de téléphonie mobile permettant d'acheter tout, voire n'importe quoi. D'ailleurs, une entreprise spécialisée m'a déjà contacté pour me proposer de prendre en charge un service de vente de noms de domaine sur le WAP. Vous imaginez? Le jeune cadre dynamique dans son cabriolet de fonction qui trouve enfin LA bonne idée en matière de nom de domaine. Il a si peur de se la faire piquer avant d'arriver chez lui qu'il lui faut absolument, mais alors absolument, acheter immédiatement ce nom de génie à partir de son téléphone portable. Une situation qui risque de se répéter si souvent qu'elle justifie bien de dépenser quelques centaines de milliers d'euros pour intégrer ce service dans une offre WAP...

Ça doit pourtant bien servir à quelque chose, ce truc. Le WAP c'est l'avenir, nous dit-on pour nous faire patienter en attendant l'UMTS. Un avenir qui arrive à neuf mille six cents bits par seconde, soit le sixième de la vitesse du modem le moins cher du marché. Mais pour lire son courrier électronique en vacances, c'est très utile, le WAP. Maintenant, on peut se connecter à l'Internet via un téléphone portable relié par infrarouge à un ordinateur lui aussi portable. Sauf que la dernière fois qu'un de mes amis a essayé de relever son mail depuis un hôtel, il en a eu pour environ mille cinq cents euros de note de téléphone. C'est beau l'avenir, mais c'est cher aussi.

Bon, peut-être que ma boulangère (qui, comme toutes les boulangères depuis que notre président a cité en exemple celle d'Aubervilliers, est définitivement tournée vers la modernité) ne va pas utiliser ce truc dès ce soir. Mais demain - ou après-demain, enfin, d'ici pas longtemps, quelques années tout au plus - ; heureusement, l'UMTS arrive.

Tout le monde, y compris ma boulangère, a entendu parler de l'UMTS, c'est le truc qui a coûté très très cher à quelques opérateurs de téléphonie mobile et qui va financer une partie des 35 heures ou les retraites, on ne sait plus. Voilà pour ce que j'en aurais retenu si je n'écoutais que les médias. Mais comme je suis bien informé, je sais que l'UMTS c'est la même chose que le WAP, mais en beaucoup, beaucoup plus rapide car si le WAP est six fois plus lent qu'un modem, l'UMTS, lui, est trente-six fois plus rapide. Comme le WAP, ça passera par les téléphones portables mais pas par les mêmes appareils. Il faudra en changer. C'est vrai que l'on n'envisage plus de se passer de son téléphone pour aller sur l'Internet, une fois qu'on a goûté au WAP. À deux mégabits par seconde (la vitesse annoncée de l'UMTS) l'achat d'un nom de domaine par téléphone se justifie bien plus qu'à neuf mille six cents bits!

Ce sera sans doute très utile à quelques décideurs, chefs d'entreprise ou ministres. Ils pourront disposer d'un vrai bureau virtuel, accéder à tout instant à tous leurs dossiers informatiques, recevoir de l'information à très haut débit et, surtout, ils pourront regarder des images (à 80 % pornographiques, pour respecter la moyenne) pendant leurs déplacements. Recevoir des images de cul sur l'écran miniature de son téléphone portable, en couleur et à grande vitesse, c'est une évolution sociale considérable. Mais pour quelques privilégiés qui en auront l'utilité, la facture pour tous les consommateurs sera salée quand on sait qu'entre les licences et l'équipement, les opérateurs devront débourser chacun une quinzaine de milliards d'euros pour financer l'UMTS.

Cependant, ce que l'on appelle le haut débit, et qui n'est en fait qu'un poil plus rapide qu'un bon vieux modem, est un progrès important. Pas tant à cause de la vitesse mais parce qu'il permet une connexion forfaitaire permanente quelle que soit la technique employée (ADSL, câble ou boucle locale radio).

Une connexion permanente, pour un ordinateur fixe, ce n'est pas qu'un palliatif au dial-up (la connexion à la demande plus connue sous le nom de PPP) qui fut inventé en 1994 parce qu'on ne disposait pas d'autre infrastructure que celle du téléphone, c'est surtout le moyen de profiter de toutes les dimensions de l'Internet. Une connexion permanente, c'est le courrier qui arrive chez vous dès qu'il a été émis par vos correspondants, sans être stocké sur les machines de votre fournisseur d'accès qui, outre les risques d'indélicatesse, peut perdre un mail important (personne n'est à l'abri d'une panne, surtout quand on gère des centaines de milliers de boîtes aux lettres). Ce sont aussi des usages qui changent, car l'Internet devient alors un outil commun, une vraie bibliothèque encyclopédique sur votre bureau. Le haut débit permet de trouver toutes les informations facilement, sans le cérémonial de la connexion irrémédiablement accompagné d'un sentiment de culpabilité à la pensée de la facture de téléphone qui gonfle. La rapidité n'est qu'un plus, car si elle permet de regarder la télévision par l'Internet, le vrai changement est dans la facilité d'utilisation et dans la possibilité d'émettre aussi bien que de recevoir. L'ordinateur personnel peut ainsi devenir un serveur Web où sont stockées les informations accessibles au public rendant inutiles les hébergeurs alors que nos gouvernants s'apprêtent à réguler cette profession sans prendre en compte les évolutions techniques.

Le haut débit, c'est l'avenir. Mais le haut débit sur téléphone portable ne permettra pas une connexion permanente et n'accélérera que des usages marginaux. Dans l'optique du nomadisme à la mode, l'UMTS va irrémédiablement subir la concurrence de la technique de la boucle locale radio qui va bientôt permettre de se connecter à l'Internet à haut débit sans fil ni branchement quelconque. Et cette technique ne coûte presque rien, en comparaison.

Le WAP était une erreur. Une offre commerciale inutile et chère. L'UMTS c'est la même erreur, en pire. Mais à haut débit!

Payer, c'est fou!

Un soir, à la télévision, j'ai vu un monsieur, qui avait pourtant l'air sain d'esprit, déchirer sa carte bancaire devant les caméras. Il faut dire qu'il avait de bonnes raisons. Tout comme les téléspectateurs, il avait suivi le reportage qui précédait et qui faisait peur, mais vraiment très peur. Il s'agissait de démontrer à quel point l'usage d'une telle carte était dangereux et combien les risques étaient grands d'user et d'abuser de ce moyen de paiement moderne.

En effet, une carte bancaire est très facilement copiable parce que la majeure partie des terminaux de paiement ignorent la puce qui est difficilement falsifiable. En quelques secondes, on peut lire la bande magnétique, l'enregistrer et la dupliquer sur une carte vierge qui débitera un compte bancaire au nez et à la barbe de son propriétaire. Ainsi, les deux tiers des distributeurs d'argent liquide en France se contentent de lire la bande magnétique. Et même si le nombre de ces appareils va bientôt diminuer, il y a de grandes chances pour qu'il en subsiste quelques-uns, surtout dans les pays les plus éloignés. C'est que leur remplacement est financé par les banques et les commerçants alors que c'est le consommateur qui paie quand on le vole. Les banques préfèrent avoir des clients rassurés plutôt que d'assumer leurs responsabilités, au point qu'elles ont attaqué Serge Humpich en justice quand cet informaticien leur a montré une faiblesse de sécurité de la puce des cartes bancaires. Une faille qu'elles connaissaient parfaitement mais, le risque étant assumé par le client d'abord et par le commerçant ensuite, les banques n'avaient pas à s'inquiéter! Rien de très nouveau pourtant, tout cela est flippant mais nous préférons l'ignorer.

Cette fraude, qui nécessite un certain savoir-faire et du matériel, est toutefois beaucoup moins répandue que la simple copie des seize chiffres du numéro d'une carte bancaire. D'autant que la vente par correspondance repose essentiellement sur ce système, les bons de commande, les réservations par téléphone ne valent que si on donne son numéro de carte bancaire. Qu'est-ce qui empêche un standardiste malveillant de noter les numéros de ses clients et de s'en servir à son tour pour acheter ce qu'il souhaite par correspondance? Et les facturettes que nous donnent les commerçants lorsque l'on paie par carte bancaire, ce sont autant de bombes à retardement puisqu'elles font apparaître ces seize précieux chiffres et que quasiment tout le monde les jette à la sortie des magasins! Certes, de moins en moins d'appareils les impriment mais, comme pour ceux qui ne lisent que la bande magnétique, seront-ils tous remplacés? De toute façon, des journalistes ont trouvé un jeune homme qui fabriquait tout seul, «pour jouer», des numéros fictifs mais fonctionnels de cartes bleues qui ne gênaient personne sauf quand il tombait sur un vrai numéro. Alors, la peur des facturettes... Avec tout ça, on peut comprendre pourquoi certains décident de déchirer leur carte à la télévision. J'espère que la justice ne tiendra pas rigueur à cet homme en colère, elle qui avait puni en son temps Serge Gainsbourg pour avoir détruit en public un défunt Pascal, avec lequel il avait allumé son cigare.

Les craintes qu'ont certains à consommer sur l'Internet sont d'autant plus compréhensibles. Pourtant, s'il y a un endroit au monde où le risque de fraude est limité, c'est bien là, même si les banques entretiennent le mythe du risque maximum par leur silence agressif. Ceux qui refusent «par principe» de payer quoi que ce soit sur l'Internet avec leur carte mais qui jettent leurs facturettes à la sortie des boutiques sont totalement incohérents. Pour répondre à ces angoisses irrationnelles, des e-commerçants ont mis en place des lignes téléphoniques vers lesquelles sont dirigés les e-clients au moment du paiement. Au lieu de saisir leur numéro de carte bancaire sur l'Internet, ils le dictent à un opérateur qui a tout loisir de s'en servir plus tard pour ses propres dépenses. Ce système, c'est le pied: on commande en une seconde tout ce qu'on veut au bout du monde pour ensuite rédiger un chèque et le poster, on attend que le fournisseur l'ait reçu et après seulement, on peut espérer avoir sa commande! La révolution de la rapidité et de la simplicité de l'e-commerce! Alors que le système classique dans lequel l'e-consommateur est dirigé vers le serveur sécurisé de la banque du e-commerçant, qui est la seule à connaître le fameux numéro, est le plus sûr qui soit. Les systèmes de paiement sécurisés s'appellent comme cela justement parce qu'à aucun moment le numéro de carte bancaire ne transite par le réseau sans avoir été codé avec une clé qui, même aujourd'hui, nécessite un ordinateur de plusieurs centaines de milliers d'euros pour être cassée. Si le petit cadenas en bas de la fenêtre du navigateur est fermé, personne au monde ne peut intercepter le numéro. En revanche, lorsque vous jetez vos facturettes, il n'y a qu'à se baisser...

Dans la série des angoisses irrationnelles, il est vrai que la carte bancaire serait un succédané de Big Brother. La preuve, c'est qu'un ancien ministre de la République (Jack Mellick) s'est fait piéger par la sienne. En payant à un péage d'autoroute avec sa carte, il a totalement détruit l'alibi qu'il tentait de donner à Bernard Tapie dans l'affaire VA-OM. L'ordinateur de la société d'autoroute avait en effet gardé en mémoire l'heure de son passage. Si vous voulez être tranquille, n'utilisez donc plus votre carte bancaire. Retournez au liquide par exemple. Au moins, l'avantage des billets c'est qu'ils se palpent, c'est du concret, du solide comme la batte de base-ball du «sauvageon» qui sera ravi de récupérer si rapidement votre paie après vous avoir refait le visage. D'accord, c'est un peu dangereux. Alors, la solution, c'est le troc, comme au bon vieux temps?

Allez, ça ne sert à rien d'avoir peur de payer sur l'Internet. Et puis, la vie n'est qu'une perpétuelle prise de risque, alors un de plus ou de moins....

Il y a quand même un danger quand on paie par carte sur l'Internet. C'est l'incompétence des banques lorsqu'il s'agit d'intégrer des techniques un tant soit peu modernes. Elles qui furent les premières à s'informatiser emploient encore des informaticiens fort compétents dans le domaine de la carte perforée mais parfaitement débutants dans celui des réseaux. En témoignent les quelques centaines de clients qui ont été débités dix fois du montant de leurs achats sur l'un de mes serveurs car leur banque utilisait un système piratable par n'importe quel passionné. Sans parler de la vétusté des réseaux bancaires, qui ont encore recours au bon vieux X25 du Minitel. Rien de tel pour perdre de l'argent que de faire confiance aux banques! Si vous n'êtes pas tout à fait inconscient (ou multimillionnaire), vérifiez bien vos relevés bancaires, Internet ou pas. Les banques ne raisonnent pas comme vous et moi. Nous craignons tous de nous retrouver avec un interdit bancaire sur le dos à cause d'un petit malin. Les banques, elles, calculent les risques de contrefaçon et de piratage, les comparent au prix d'un système parfaitement sécurisé et, tout compte fait, se contentent très bien de ce qu'elles ont.


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laurent@brainstorm.fr